vendredi 11 septembre 2015

Dans le flux de l’irréalité j’ai pris mon envol, je ne sais plus si c’était de jour ou de nuit, les nuages étaient noirs dans un cas, blancs dans l’autre, je me dirigeais vers un lieu inconnu, je survolais des lacs et des bois, des vallées et des gorges (je pensais alors à des femmes), des ravins et des rivières, des fougères bleues et des merisiers rougeoyants, le parcours n’annonçait aucun horaire d’arrivée et je ne connaissais pas sa destination finale, aucune escale n’avait été inscrite sur un quelconque agenda, le vent m’accompagnait comme un épais coussin d’air, je me lovais dans ses turbulences, planer sur les ailes d’un rêve alors qu’il ne s’agit pas de cela – j’aurais dû filmer le trajet aérien – ressemblait à un plaisir inédit, je savais qu’il ne se reproduirait pas, il était valable parce qu’unique, je filais plus vite que les oiseaux gris qui tentaient parfois de m’accompagner un moment, des courants contraires jouaient à m’embrouiller, à me déstabiliser, je n’avais pas de GPS ni de radar, un cube ou une stèle magnétiques devaient sans doute me conduire tout là-bas car je ne pouvais résister à l’attraction qui saisissait mes bras et mes jambes, mes cheveux étaient plaqués ou laqués en arrière par la force de la vitesse, je m’imaginais en fétu de paille emporté par un ruisseau dans les Alpes qui s’effondrent lentement, je passais au-dessus du Mont-Blanc et de Chamonix (le nom de Louis Lachenal étincelait soudain dans ma mémoire), bientôt j’apercevrais peut-être l’Himalaya et le Népal puis Katmandou avec ses moulins à prières, j’aimerais en faire tourner encore un pour la dernière fois, comme bien avant le tremblement de terre qui s’est produit le 25 avril de cette année.